« Vive le vent, vive le vent, vive le vent d'hiverrrr » Je chantonnais cette chanson en me promenant dans les couloirs en sautillant de joie. Je voulais qu'il neige, je voulais voir ces jolis flocons blancs tomber à travers la fenêtre de ma chambre et de crier à tel point j'étais contente. Hélas, pas un seul flocon ne tombait et il faisait même plutôt beau temps. Un bonnet de Père Noël sur la tête, je déambulais à travers les couloirs pour montrer ma joie. Evidemment, je n'étais pas seule dans l'asile et je constatais les gens d'Halloween me lancer des regards assassins? Pourquoi? Je n'étais pas de mauvaise humeur quand eux fêtaient leur fête pourris destiner à effrayer des pauvres enfants qui n'avaient rien demandé. Dans leur célébration le point positif n'était que les bonbons, c'est tout sinon ce n'était que des stupidités. Des boules de Noël dans la main, des guirlandes dans l'autre, je passais devant les infirmiers qui ne faisaient même plus attention à nos sottises. Trop désemparés? Ne savaient-ils plus comment nous prendre? Je voulais qu'il neige. Je me répétais sans cesse ça en marchant l'air boudeur, je voulais des cadeaux, qu'on m'offre de délicieux petits chocolats en forme de bonhomme de neige, ou encore, des jolies boucles d'oreilles en forme de sucre d'orges. Ma bouche en forme de cœur, sublimer d'un joli rouge à lèvre rouge – que mon infirmier avait opté pour que je le garde finalement au lieu de le donner comme toute mes effets personnels, je marchais en décorant le couloir de décorations de Noël. « Petit papa Noëlleeeeeuuuuuuh » Je cassais les oreilles des gens, mais je m'en foutais, je voulais juste exclamer la joie qui m'emportait comme chaque jours. Au loin, j'aperçus rapidement Zombini. Zombini c'était le maire d'Halloween, ville des horreurs et de la puanteur, rien de glamour. Zombini c'était le contraire de moi, dégueulasse, stupide et bourré de méchancetés. Et pourtant, il m'attirait tel un aimant. Je ne jurais que par lui ses derniers temps ce qui devenait de plus en plus obsessionnel. Je m'approchais de lui en sautillant avant d'arriver derrière lui et de lui mettre une guirlande verte autour du cou. « Zombiniiiiiiiiii » Evidemment, j'allais lui casser les oreilles, je le savais, rien que le regard qui venait de me lancer. Pourrtant, j'avais un énorme sourire sur les lèvres et je n'en avais strictement rien à faire de se qui pensait.

Vu sa tête, il était peut-être de mauvaise humeur, quoiqu'il faisait toujours cette tête de zombi. Peut-être pour ça qu'il s'appelait Zombini? Wouah. Je sautillais tout autour de lui, à lui en faire perdre la tête. Mon problème c'était que je l'aimais, quelqu'un avait du me lancer une flèche de Cupidon sans que je m'y attende et maintenant à chaque fois que je voyais Zombini, je voyais plein de petits coeurs autour de sa tête, ainsi que des petits anges chantant. C'était beau. C'était Wouah. Rapidement, je me stoppais devant lui, sortant de ma poche une branche de gui que je suspendais entre nous. « Regarde... du gui. » Je vis un énorme sourire, en tout innocence.

« Où es-tu né ? » « Je t’ai autorisé à me tutoyer ? Je suis Maire, mon gars, aie un peu de respect pour tes supérieurs. » Mon tout nouveau psy flambant neuf regarda l’heure sur sa montre et soupira en m’annonçant que c’était la fin de la séance. Il était tout aussi débile que mon ancien psychiatre, qui, lui, avait été viré le jour de mon évasion. J’aurais tant aimé pouvoir le massacrer mentalement encore un peu. Au lieu de ça, j’avais ce type aussi inutile qu’un jouet qui me posait les mêmes questions que son prédécesseur et ne croyait toujours rien de mon histoire. Ils me disaient tout le temps que je ne pourrais pas sortir tant que je mentirais, mais je ne comprenais pas, ma vie à Halloween, c’était la vérité sur toute la ligne. J’en avais marre de cet asile. Au début, c’était encore amusant, mais depuis que les enfants pourris Noël et ces dégueulasses de Lovetown avaient envahi les lieux, j’avais la nausée à tous les coins de couloir. Si Valentin se tenait relativement à carreaux ces dernières semaines, j’avais droit à bien pire : Rainbow, la psychopathe. Cette fille avait une boule de Noël à la place du cerveau, sinon, il n’y aurait eu aucune chance pour, je vous le donne entre mille, qu’elle m’aime. Non, ce n’est pas une blague. Si je ne la croisais pas tous les jours, ou plutôt si elle ne me pourchassait pas tous les jours, moi-même je n’aurais pas gobé un truc pareil.
C’est ainsi qu’après un énième rendez-vous chez l’analyseur de crâne, je retournai à ma chambre en longeant les murs de peur qu’elle ne me remarque. Malheureusement, une voix de crécelle chantant une de ces stupides comptines du vingt-cinq décembre parvint jusqu’à mon oreille, suivie d’un cri extrêmement enthousiaste duquel je reconnus mon patronyme. Tuez-là, je vous en supplie. Je lui jetai le regard le plus glacial qui fut et elle continua à sautiller comme un chihuahua autour de moi et elle me ficha même un de ses colifichets autour du cou. Les habitants des autres villes étaient affreux, tous complètement joyeux, excités, et le comble : ils se prétendaient heureux comme ça. Je m’empressai de retirer sa guirlande de mon cou, de la lancer violemment à mes pieds et de la piétiner avec un sourire à faire déguerpir le Père Fouettard.

C’est là qu’elle brandit du gui comme un trophée au-dessus de nos têtes et je crachai à ses pieds pour la faire reculer. Les femmes de ménage de l’hospice devaient péter les plombs, entre les Halloweeners qui ramenaient de la boue du jardin et les gens de Christmastown qui décoraient les pièces avec leurs sucres d’orge et compagnie. Sans plus attendre, je sortis de ma propre poche des vers encore tout terreux et les mis sous son nez de lutin. « Regarde, Arc-de-flotte. » J’avais coutume de l’appeler ainsi parce qu’elle détestait cela. Pourtant, ce n’était que son nom un peu modifié. Un rictus se dessina sur mon visage et je fourrai un ver dans ma bouche avant de l’avaler. Puis, je lui tirai la langue pour lui montrer qu’il n’y avait plus trace de la bestiole. « Toujours envie de m’embrasser, la chose ? »

Noël c'était sans doute la meilleure fête au monde. On pouvait manger des chouchous, des chocolats, des sucres d'orges et on en avait aucun complexe. C'était la féérie, là où on était tous joyeux, ce n'était pas comme Halloween. Eux, ils avaient l'impression d'avoir toute la misère du monde non stop sur leurs épaules et c'était loin d'être drôle... Quand il pleuvait, ils revenaient toujours dans l'asile couvert de boue, à croire que ça les éclatait de se rouler dedans jusqu'à ne plus rien voir. Certes, non quand il neigeait on faisait pareil, mais c'était moins salissant que ce liquide marronné à vous faire vomir vos tripes. Or, j'étais loin d'être écœurée, au contraire, je trouvais même Zombini mignon et attirant, même quand il était la plus belle ordure qu'il soit. En a rien de temps, je sautillais vers lui et me plaçais à deux mètres de lui en gardant mon sourire rougi sur ses mes lèvres. Je lui avais mis une guirlande autour du cou et rapidement il l'avait enlevé pour la piétiner. Quoi? C'était parce que ça piquait? J'avais froncé les sourcils, bon sang ma guirlande... Je l'aimais beaucoup moi, je me la servais même comme doudou. Rapidement je lui tapa sur le torse d'un revers de main en le regardant d'un œil plus sombre. « T'es pas gentil! » Je fis une moue boudeuse, avant de sortir de ma poche deux boules de Noël de couleur argenté. « T'as vu? » Je les mis en dessous de mes lobes d'oreilles comme pour en faire des boucles d'oreilles. « T'aime? » A croire, que je voulais toute faire pour plaire à cette tête d'ange zombifié. Je pris la pose même pour qu'il regarde un peu mieux. J'aimais les objets de Noël et je pensais demander à quelqu'un de me ramener bientôt des petits anges à accrocher dans un sapin de Noël pour agrandir ma collection d'objets décoratifs.

J'avais mis du gui entre nous deux, comme pour donner un petit espoir que je pourrais enfin toucher ses lèvres au contact des miennes. En vain. Il me cracha à ses pieds. Pas chouette. J'avais reculé d'un petit pas en lâchant ma branche de gui sur le carrelage du couloir. Je le regardais toujours avec ma petite moue boudeuse. Il avait sorti un ver de terre de sa poche. Pauvre bestiole. Je regardais le lombric bouger dans sa paume avant qu'il ne le mette dans sa bouche, je fis de grands yeux. Il allait vraiment le faire? Oui, en voyant qu'il tirait la langue pour montrer qu'il n'y avait plus de trace de l'insecte, je restais quelques secondes silencieuses. « T'es répugnant. » Je partis faire quelques pas plus loin pour lui faire croire que je renonçais. Au bout de plusieurs minutes, je me retourna avant de courir et de lui sauter sur le dos en passant mes bras autour de lui pour me tenir. « BANZAAAAIIIIIIIIIII » Je restais accrochée à lui pour ne pas qu'il m'échappe. Je voulais m'amuser moi, et je savais que lui ne s'amuserait pas, ce qui rendait le jeu encore plus drôle. En enroulant mes jambes autour de sa taille je me mis à chanter une nouvelle fois: « Vive le vennnnt, vive le vennnnt, vive le vennnnt d'hiveeeeeeeer! »

Cette fille tripait trop sur Noël, sur les sapins, les chansons niaises à souhait, les bonbons dans des chaussettes – sérieusement, et ils osent se plaindre de nos pratiques peu ragoutantes ! Le point positif, c’était qu’au moins, elle n’était pas de Lovetown. Mais ça n’arrangeait rien, parce qu’elle était ultra heureuse, pétillante, qu’elle sautillait partout en fredonnant ses conneries et qu’elle ne se gênait pas pour me barrer la route dès que je passais près d’elle. C’était horrible. Insupportable. Épouvantable. En temps normal, j’aurais trouvé cela absolument charmant, vu que c’était une forme de torture. Le hic, c’est que j’en étais la victime, et c’était fort peu plaisant. Franchement, comment pouvait-on se plaindre des habitants d’Halloween avec des gens pareils dans les parages ? J’étais une trognonne petite chauve-souris, qui ne faisait que quelques amusantes farces de temps en temps à côté de Jaimie. Moi, je préparais mes coups, je faisais des messes basses avec mes acolytes, bref, je n’étais pas constamment sur le dos des autres comme cette énergumène de Rainbow. Et puis, j’étais calme. Je ne courais pas partout, je ne criais pas ma joie sur tous les toits, en fait, j’étais adorable, vous vous rendez compte ? Tandis qu’elle me montrait ses horreurs en boucles d’oreille, je me mis à sonder le plafond. T’es pas gentil, m’avait-elle dit à cause de la guirlande que j’avais massacrée. Ne l’avait-elle pas remarqué plus tôt ? Était-elle à ce point stupide ? Apparemment, oui. A croire qu’elle s’imaginait que j’allais plus l’aimer si elle me décorait comme un arbre de Noël.

Après lui avoir fait mon petit tour avec le ver, je pensai enfin m’être débarrassé d’elle puisqu’elle fit mine de s’éloigner de moi en me faisant un joli compliment. Mais j’avais apparemment mal analysé la situation, car elle revint à la charge d’une manière vingt fois pire que la précédente : elle s’agrippa à mon dos. Néanmoins, je ne bougeai pas d’un poil, elle finirait bien par se lasser d’elle-même. Dans mes rêves, oui ! Heureusement que je n’étais pas un pauvre squelette, car ces sacs d’os tombaient en miettes au moindre choc un peu trop violent. Il aurait fallu me ramasser avec une balayette. Elle se remit à chanter ses horreurs et mes oreilles commencèrent à bourdonner en cœur. J’allais m’évanouir si elle continuait ainsi. « Lâche-moi. » marmonnai-je, alors que ma voix était inaudible à cause de la sienne. Je me contorsionnai donc pour finalement réussi à lui plaquer une main sur sa bouche, si bien que ses paroles n’étaient plus de des sortes de gargouillis étouffés, c’était vraiment très mélodieux. « Arc-de-flotte, lâche-moi maintenant. Sinon je bute deux écureuils et un rouge-gorge. » Prenons-la par les sentiments, dans les villes joyeuses, ils défendaient tous les droits des animaux là où on en faisait des mixtures nauséabondes. J’attendis patiemment qu’elle se décide à sauver la vie à ces monstrueuses petites bêtes, tout en retirant ma main vu qu’elle s’était arrêtée de chanter, tout à coup. Surprenant, non ? Comme elle était toujours accrochée à moi, j’ajoutai : « T’as déjà entendu le cri d’agonie d’un écureuil ? C’est déchirant, tu peux pas savoir. »